2-2
La révision spéciale Pour se protéger contre l’instabilité monétaire les parties peuvent
insérer dans leurs contrats des clauses
d’indexation encore appelées
clauses d’échelle mobile. Ce sont des clauses qui permettent une adaptation
automatique du loyer aux variations économiques mesurées par un indice selon
les échéances choisies par les parties. A la date prévue par le contrat, qui
correspond généralement à la date de parution de l’indice choisi le loyer est
modifié. (indexation par rapport au SMIG par exemple ). Cette clause n’est pas
à confondre avec celle qui prévoit une majoration périodique d’un pourcentage
déterminé.
La légalité de cette clause ne fait pas l’objet de doutes puisque
l’article 26 la prévoit expressément.
Son caractère dérogatoire à la règle de l’article 25 concerne la
périodicité de la révision. Autrement dit le demande de révision en application
de cette clause
n’est pas conditionnée par un minimum de trois ans. Mai
cette clause ne jouera comme pour la révision ordinaire que si le loyer se
trouve par le jeu de cette clause
diminué ou augmenté du plus du quart par
rapport au prix précédemment fixé en justice ou par contrat.
L’alinéa 2 de l’article 26 détermine l’autorité appelée à adapter le jeu
de la clause à la valeur locative équitable et la date d’effet de la clause .
C’est le juge qui à la demande de l’une des parties adaptera le jeu de la
clause d’indexation à la valeur locative équitable. Il doit le faire au jour de la demande (et non
au jour de la modification de l’indice).
La formulation de ce texte est particulièrement ambiguë. L’adaptation du
jeu de la clause d’échelle mobile à la valeur locative équitable permet-il au
juge de réviser le loyer en tenant compte du prix initial qui constituerait le
plancher et l’augmentation de 25% résultant de la clause qui sera considérée
comme le plafond ce qui signifie l’impossibilité de descendre au dessous du
minimum contractuel ? Signifie-t-il au contraire que le juge aura un pouvoir
de réfaction du contrat en application de l’article 26 qui serait un cas légal
d’application de la théorie de l’imprévision ce qui l’autoriserait à revoir
aussi bien à la hausse mais surtout à la baisse le prix des loyers même si ce
prix doit être inférieur au minimum convenu ? Ces deux opinions ont divisé
la jurisprudence en France. La
Cour de cassation française s’est rangée sous la deuxième
opinion. (civ III 15 janvier 1992, RTD Com.p.792 , obs. Pédamon.)
Le problème ne s’est posé à notre jurisprudence. Notre droit qui
conserve la référence à la valeur locative équitable semble indiquer une ligne
de conduite. L’adaptation du jeu de la clause mobile à une valeur locative
qualifiée d’équitable tend à empêcher les excès. L’équité exige que le bailleur
ne soit pas obligé à percevoir une somme inférieure à celle prévue au contrat
ni qu’il perçoive un prix supérieur à celui qui résulte du jeu de la clause.
Enfin si l’un des éléments retenus pour le calcul de la clause
disparaît, il en résulte une inapplicabilité de la clause et la révision doit
se faire dans les conditions de l’article 25. de (article 26 alinéa dernier).
b-
La sous-location et la cession
de bail1- La
sous-location :
En droit commun du bail , le locataire a le droit de sous-louer à un autre totalement
ou partiellement, sauf stipulation contraire (art. 772).
Dans la loi de 1977 la solution
est inversée. La sous-location totale ou partielle est en principe interdite à
moins d’une stipulation contraire.(art.20). La lecture de l’article 21 permet d’affirmer
qu’une stipulation expresse n’est pas toujours nécessaire. L’autorisation peut
être tacite. C’est le cas lorsque le propriétaire prend connaissance de la
sous-location et ne la conteste pas.
Le législateur organise les rapports entre qui se nouent entre les
différentes parties. Ainsi, le
propriétaire est-il appelé à concourir à l’acte de sous-location. A cet effet
le locataire lui signifie son intention de sous louer le local par exploit
d’huissier notaire. Dans la quinzaine de cette signification le propriétaire
fera connaître au locataire sa position. S’il ne répond pas malgré
l’autorisation stipulée au contrat il sera passé outre. Autrement dit, si la
location n’a pas été préalablement autorisée, le propriétaire ne peut pas être
contraint à concourir à l’acte. Il peut donc refuser discrétionnairement
d’agréer la sous- location.
La loi reconnaît au propriétaire la possibilité de demander une
augmentation corrélative du loyer principal lorsque le loyer de la sous-
location lui est supérieur. A défaut d’accord des parties le loyer est
déterminé par le juge selon la procédure de l’article 28 de la loi de 1977.
La loi reconnaît au sous-locataire un droit de renouvellement vis à vis
du locataire principal dans la mesure des droits que ce dernier tient lui-même du propriétaire.
Elle ne lui reconnaît un droit direct de renouvellement vis à vis du
propriétaire que dans la mesure où ce dernier a expressément ou tacitement
autorisé ou agréé la sous-location. En cas de sous-location partielle, le droit
au renouvellement n’est reconnu que si les lieux sous- loués sont divisibles
par rapport aux lieux faisant l’objet du bail principal matériellement ou dans
la commune intention des parties.
2- La cession de bail :
Le droit
commun reconnaît au locataire la possibilité de céder son bail. Ce droit est
reconnu en faveur du locataire qui bénéficie du régime de la loi de 77 par
l’article 33 qui tient pour nulles sous quelque forme que ce soit les clauses
qui tendent à interdire au locataire de céder son bail à l’acquéreur de son
fonds de commerce ou de son entreprise.
Cette interdiction a pour but d’empêcher que le propriétaire s’oppose au
transfert de la propriété du fonds de commerce. La cession du fonds de commerce
dont il s’agit est à prendre dans son sens large : à titre onéreux ou
gratuit, vente, échange ou apport en société.
L’interdiction est à prendre dans un sens strict. Ce qui serait nul
c’est la clause qui interdit la cession du bail conséquente à la cession du
fonds de commerce. Le bailleur peut en effet prohiber la cession isolée du
droit au bail.
Analysée comme une cession de créance, la cession de bail n’est
opposable au propriétaire que par la signification à lui faite ou par son
acceptation en vertu d’ un acte ayant date certaine, conformément à l’article
205 du COC.
c-
Résiliation pour défaut de paiement des loyers L’article 23 de la loi prévoit qu’à défaut de payer les loyers aux
échéances convenues le bail est résilié passé le délai de trois mois à partir
de la date d’émission par voie d’huissier-notaire d’un avis de paiement resté
sans effet. Cet avis doit mentionner ledit délai à peine de nullité. C’est une
mesure destinée à protéger le locataire qui ne sera pas privé de son droit à la
moindre défaillance concernant le paiement des loyers. Mais ce délai ne pourra
pas être prorogé par le juge et la résiliation sera prononcée d’office. Cette
rigueur vis à vis du locataire n’est qu’apparente. Tant qu’il paie dans la
limite des trois mois, le bail ne sera pas résilié. Le délai qui lui est
accordé est trop large. A l’origine de ce texte, l’article 25 du décret
français du 30 septembre 1953 réglait le problème des clauses résolutoires pour
défaut de paiement de loyer qui ne produisaient effet qu’à l’expiration du
délai d’un mois. Depuis une loi de 1989 ce régime a été étendu à toutes les
clauses résolutoires quel qu’en soit le contenu. L’article 23 de la loi de 77
ne s’applique pas seulement lorsqu’il y une clause résolutoire expresse pour
défaut de paiement des loyers mais toutes les fois que cette défaillance du
locataire est constatée. En revanche, la loi ne prévoit pas un régime
spécifique aux clauses résolutoires expresses insérées dans les baux
commerciaux qui restent donc soumises au droit commun (art.274 du COC).
§3–
LES RELATIONS DES PARTIES EN FIN DE BAIL (LE RENOUVELLEMENT ET LE REFUS DE
RENOUVELLEMENT) A l’expiration du bail , le locataire a droit soit au renouvellement de
son bail (A) , soit à une indemnité d’éviction en cas de refus de
renouvellement (B).
A – Le
renouvellement Pour produire ses effets (b) le renouvellement requiert la réalisation
de conditions précises (a).
a- Les
conditions du droit au renouvellement.
Ces conditions sont celles relatives au bénéficiaire (1) , à la durée de
l’exploitation (2). Une procédure particulière doit en outre être observée (3).
1-
Les conditions relatives au bénéficiaire A côté des conditions déjà exposées relatives à la qualité du
bénéficiaire , aux immeubles loués, l’article 3 de la loi prévoit de manière
limitative les bénéficiaires du droit au renouvellement. Il s’agit du locataire
lui-même, du cessionnaire en cas de cession de bail, ou de l’ayant droit.
Dans tous les cas il faut justifier d’une exploitation pendant deux
années consécutives. Il n’est pas nécessaire qu’il s’agisse d’une exploitation
personnelle. Ainsi, le locataire qui a donné son fonds en gérance libre avant
l’expiration du délai de deux ans peut se prévaloir du droit au renouvellement.
De même le fonds de commerce peut indifféremment avoir été exploité soit
personnellement soit par l’intermédiaire d’un préposé.
En faisant référence à l’ayant droit, l’article 3 vise aussi bien
l’ayant droit à titre particulier comme l’acquéreur du fonds de commerce que
l’ayant droit universel ou à titre universel qui peuvent demander le
renouvellement ou bénéficier de la durée réalisée par leur ayant cause. Ainsi,
en cas de cession du bail avant l’expiration de la période de deux ans , le
cessionnaire peut se prévaloir de ses droits acquis pour compléter la durée de
l’exploitation personnelle.
Pour le sous-locataire (v. plus haut §
la sous-location et la cession de bail).
Une dernière question concerne la condition relative à la nationalité du
locataire. Ni l’article 1
er ni même l’article 3 de la loi n’exigent
, contrairement à ce qu’il en est en droit français, que le locataire soit de nationalité tunisienne. A
la question de savoir si un étranger peut réclamer le bénéfice de la loi de
1977 la réponse ne peut à notre avis être qu’affirmative. Toutes les fois que
le commerçant étranger répond aux conditions de l’exercice d’une activité
commerciale en Tunisie, il est en droit de réclamer le bénéfice au droit de
renouvellement.
2- La durée de l’exploitation L’article
1
er pose une condition de durée. Le fonds de commerce doit avoir été
exploité pendant deux années consécutives au moins. Il n’est pas
nécessaire que la bail ait été consenti pour une durée de deux ans. Il peut
avoir été conclu pour une année renouvelable. Le plus important est que
l’exploitation pendant cette durée soit effective ; il ne suffit pas de la
conclusion d’un bail pour deux ans (Cass. 6385 du 16/9/1981)
Pour éviter de tomber sous l’effet du statut, les particuliers concluent
des baux non renouvelables pour une durée inférieure à deux ans. La loi du 25
mai 1977 n’a pas prévu de durée minima du bail. La liberté des parties est
préservée. On s’interroge cependant sur la validité d’une telle pratique au vu
de l’article 32 du statut. Ce texte tient pour nuls et de nul effet quelle
qu’en soit la forme , les clauses, stipulations et arrangements qui auraient
pour effet de faire échec au droit de renouvellement institué par cette loi. De
prime abord de telles conventions seraient nulles. Mais à bien y regarder ce
qui serait nul ce sont les conventions qui feraient «échec au droit au
renouvellement » ce qui présuppose un droit déjà né. Or dans un bail
conclu pour moins de deux ans et à défaut d’exploitation effective du fonds de
commerce ce droit n’est encore qu’éventuel, l’article 32 ne semble donc d’aucun
secours pour le locataire qui a consenti un bail d’une durée inférieure à deux
ans.
3-
La procédure du renouvellement A l’expiration du bail , le renouvellement n’est pas automatique. Il
faut que l’une des parties déclenche la procédure par un acte juridique. Il
s’agit soit d’un congé adressé par le propriétaire (3-1) soit d’une demande de
renouvellement adressée par le locataire (3-2).
3-1-
Le congé du bailleurLe congé est exigé dans trois hypothèses :
1- Si, en
droit commun, le contrat prend fin par l’expiration du terme convenu ou de la
période déterminée pour le paiement des loyers, sans qu’il soit nécessaire que
le bailleur donne congé au locataire.(article 791 et 792 COC), l’article 4 de
la loi prévoit par dérogation à cette règle, qu’en matière de baux commerciaux,
la cessation du bail ne peut intervenir que par l’effet d’un congé donné par le
bailleur au locataire. Il résulte de cette disposition que le congé doit être
donné qu’il s’agisse d’un bail à durée déterminée ou à durée indéterminée. A défaut d’un tel congé le bail conclu pour
une durée déterminée se poursuit sans tacite reconduction et se transforme en
bail à durée indéterminée. Dans ce cas le congé doit être donné dans le délai
indiqué à l’alinéa 2 de l’article 4.
(Cass.civ.11299 du 11-3-1976 B.I, 117).Autrement dit, il n’ y a pas
« renouvellement » pour la même période du contrat initial, il
y a, par l’effet de la loi
[1],
reconduction du bail auquel
le propriétaire peut mettre fin à tout moment mais en respectant le délai légal
minimum. (Cass. civ. 710 du 19/5/1977, B I , 285).
2- Le
congé est également exigé lorsque la durée du bail est subordonnée à la
réalisation d’un événement autorisant le bailleur à demander la résiliation
(art. 4 al 2). Le bailleur doit notifier la réalisation de cet événement . Il résulte
d’un arrêt de la Cour
de cassation (Cass. civ. 544 du 4/3/78 B 1 69) qu’ une condition résolutoire
expresse ne peut pas être qualifiée
d’événement autorisant le bailleur à demander la résiliation au sens de
l’article 4 alinéa 2 du statut. La solution nous semble conforme au texte. S’il avait entendu
régler la question des conditions résolutoires le législateur l’aurait dit. Il
a préféré évoquer l’événement dont dépendra la durée du bail. C’est la
stipulation prévue au bénéfice du seul bailleur de mettre fin au bail par
l’arrivée d’un événement comme la vente de l’immeuble ou le décès de l’une des
parties. Elle n’est pas de nature à faire échec au bénéfice de la loi étant
donné que le locataire obtiendra une indemnité d’éviction (l’hypothèse de
l’article 4 al. 3 n’étant pas prévue parmi les exceptions contenues dans
l’article 8 relatives au refus de renouvellement sans indemnité d’éviction) .
3- Lorsque le bail comporte plusieurs
périodes, si le bailleur dénonce le bail à l’expiration de l’une des périodes
un congé doit être donné.
Dans tous les cas ci-dessus, le délai dans lequel le congé doit
intervenir est de
six mois au moins à l’avance.
Le congé est un acte formaliste. Ceci se vérifie à trois points de vue
: 1- Quant au délai : le congé doit être donné dans un délai minimum
de six mois à l’avance, un congé donné pour moins de six mois est nul. 2- Quant
à son support ensuite : il doit être fait par exploit
d’huissier-notaire, autrement il sera nul ; ainsi en est-il du congé donné
par lettre recommandée. 3- Quant à son contenu enfin : il doit mentionner les
motifs pour lesquels il a été donné et reproduire les termes de l’article 27 de
la loi.
Il est bien entendu que s’agissant d’un renouvellement, le congé doit
comporter « les motifs pour lesquels il est donné », c’est à dire que
le bailleur indiquera ses intentions au sujet du renouvellement, c’est à dire
qu’il peut s’agir d’une offre de renouvellement moyennant des conditions
nouvelles.
Mais le congé peut aussi avoir
pour objet un refus de renouvellement. Une jurisprudence abondante a été rendue
relativement à la détermination des motifs de refus. Ceux-ci concerneront les
causes légales du défaut de renouvellement. On en veut pour preuve l’exigence
de la reproduction de l’article 27 de la loi . D’après ce texte, le locataire
qui entend soit contester les motifs de refus de renouvellement, soit demander
le paiement de l’indemnité d’éviction, ou qui n’accepte pas les conditions
proposées pour le nouveau bail doit saisir la juridiction compétente .
Une
jurisprudence isolée considère contrairement à la lettre du texte qu’il n’est
pas nécessaire de reproduire les termes de l’article 27.
3-2-
La demande de renouvellement Lorsque aucun congé n’est donné par le bailleur, c’est le locataire qui
peut prendre l’initiative du renouvellement. L’art 5 de la loi envisage cette
hypothèse. S’il entend obtenir le renouvellement de son bail , le locataire
doit en faire la demande au propriétaire.
Cette demande doit intervenir dans les six mois qui précèdent
l’expiration du bail. S’il s’agit d’un bail qui a été reconduit tacitement,
aucune exigence de délai n’est prévue. Le locataire peut faire sa demande
« à tout moment » au cours de la reconduction du bail.
Comme le congé, la demande de renouvellement est un acte
formaliste : elle doit être signifiée par exploit d’huissier-notaire au
propriétaire lui-même , au gérant ou à l’un seulement des propriétaires s’ils
sont plusieurs. Les deux dernières possibilités peuvent être écartées par une
stipulation contraire du contrat.
La notification doit à peine de nullité reproduire les termes de
l’alinéa 5 de l’article 5 de la loi. Ce texte exige de la part du propriétaire de faire connaître au locataire,
dans un délai de trois mois à partir de la signification de la demande de
renouvellement, par exploit d’huissier,
soit son acceptation pure et simple, soit son refus, soit son acceptation sous
de nouvelles conditions en précisant les motifs du refus ou les nouvelles
conditions exigées. La notification du propriétaire doit, comme le congé,
reproduire à peine de nullité, les termes de l’article 27 de la loi. S’il
répond hors délais , le propriétaire est réputé avoir accepté le renouvellement
du bail aux mêmes conditions et pour la même durée.
b- Les
conséquences du renouvellement L’hypothèse normale, celle qui ne donne lieu à aucune difficulté est
celle où les parties acceptent le renouvellement . Le nouveau bail prendra
effet à compter de l’expiration du bail précédent (art.6) au cas où il n’aurait
pas déjà fait l’objet d’une reconduction. Dans le cas où il y a eu
reconduction, le nouveau bail prendra effet à compter de cette reconduction.
Celle-ci commencera soit à la date du congé soit au terme du délai de trois
mois qui suivra la signification de la demande de renouvellement.
Souvent des litiges naissent et il convient de régler la procédure et la
compétence (1) , les droits et les obligations des parties (2).
1-
procédure et compétenceL’article 28 de la loi prévoit que lorsque le bailleur consent au
renouvellement et que le différend porte sur le prix, la durée, les conditions
accessoires ou sur l’ensemble de ces éléments ,
les parties comparaissent
devant le président du tribunal de première instance du lieu de situation de
l’immeuble ou le juge qui le remplace qui sera
saisi et statuera
conformément à la procédure en matière de référé. La pratique retient
la qualification de juge des baux commerciaux. Il s’agit d’une compétence
spéciale et exclusive.
Par exception au droit commun du référé, le délai de comparution ne peut
pas être inférieur à 8 jours ; l’appel est suspensif d’exécution.
2-
Droits et obligations des partiesPendant la durée de l’instance, le locataire doit payer les loyers échus
au prix ancien. (art. 29).Une
fixation à titre provisionnel peut être
faite par le tribunal (le président du tribunal de première instance du lieu de
l’immeuble selon la procédure de l’article 28) à la demande de la partie la
plus diligente (généralement le propriétaire, celui qui offre le renouvellement
à un prix plus élevé). Après fixation définitive du prix du bail renouvelé les
parties arrêteront leurs comptes.
Dans le délai d’un mois de la
signification de la décision définitive les parties concluent un nouveau
contrat aux conditions fixées par le juge. Sauf si le locataire renonce au
renouvellement ou si le bailleur le
refuse. Dans ce cas, la partie qui aura manifesté son désaccord supportera les
frais. Lorsque c’est le bailleur qui refuse le renouvellement aux conditions
fixées par le juge, le locataire doit sous peine de forclusion, dans les trois
mois de la notification du refus de renouvellement, saisir le tribunal
compétent (tribunal de première instance ou juge cantonal) en vue de
l’obtention de l’indemnité d’éviction (art.30)
Si le bailleur refuse de signer le projet du nouveau bail comme en cas
de défaut d’accord dans le mois à partir de la signification de la décision de
justice, celle-ci vaudra bail.
B- Le
refus de renouvellement.
Le refus de renouvellement peut prendre des formes différentes (a) Il
engendre des conséquences précises (b).
a- Les
variantes du refus de renouvellement Le bailleur peut refuser le renouvellement, en contrepartie de quoi il
payera une indemnité d’éviction (1). Le législateur organise dans d’autres cas
la possibilité pour le bailleur de reprendre son local, sans payer cette
indemnité (2).
1- Le
refus de renouvellement avec indemnité d’éviction L’indemnité d’éviction est due dans deux hypothèses : la première
est celle de l’alinéa 1
er de l’article 7 (1-1) ; la deuxième
étant celle des articles 15 et 16 du statut des baux commerciaux. (1-2)
1-1- Le
bailleur peut exercer un
droit discrétionnaire de refus de
renouvellement. C’est un refus qui n’est justifié par aucun motif et qui donne
lieu au paiement d’une
indemnité d’éviction . L’article 7 de la loi
après avoir reconnu cette possibilité dans son alinéa 1
er prévoit
dans son alinéa 2 que le bailleur devra « payer au locataire évincé une
indemnité dite d’éviction ». C’est comme s’il s’agissait de déposséder un
propriétaire de son bien et qu’il faut en conséquence le dédommager de cette
dépossession.
L’alinéa 3 du même texte fixe les critères d’évaluation de cette
indemnité. Il s’agit de la valeur marchande du fonds de commerce déterminée
suivant les usages de la profession. Cette valeur est augmentée des frais
normaux de déménagement et de réinstallation et des frais d’enregistrement pour
l’acquisition d’un fonds de même valeur.
Les juges se fient généralement aux rapports des experts qu’ils
désignent à cet effet.
Ces critères ne sont pas limitatifs. Le mot notamment employé par le
législateur l’exprime. Le juge a un large pouvoir pour tenir compte d’autres
critères. Mais déjà avec les critères légaux, l’indemnité d’éviction consiste à
mettre à la disposition du locataire les moyens d’acquérir un fonds d’une même
valeur. Ce qui n’est pas sans poser des difficultés relatives à un possible
enrichissement du locataire dont le fonds n’est pas particulièrement
florissant.
1-2- A côté de l’hypothèse de l’alinéa 1
erde l’article 7 deux autres cas sont à relever :
Le paiement de la même indemnité est dû par le propriétaire qui est en
même temps le vendeur du fonds de commerce et qui en a reçu le prix intégral et
qui refuse le renouvellement du bail au profit de l’acquéreur (locataire des
murs) , sauf s’il justifie d’un motif grave et légitime. (art.15). Il s’agit
d’une application particulière de la garantie légale contre le trouble du fait
personnel du vendeur.
La même indemnité est également due au locataire évincé lorsque le
propriétaire est l’Etat, une commune, ou une collectivité publique qui refuse
le renouvellement pour un motif tiré de l’intérêt public (art. 16)
Dans tous ces cas, il s’agit de la mise en œuvre de l’hypothèse type de
l’indemnité d’éviction. Aucune autre hypothèse ne donne lieu au paiement de
cette indemnité. Dans les autres hypothèses où le législateur prévoit
d’indemniser le locataire, il ne s’agit pas d’indemnités d’éviction mais
d’indemnités pour lesquelles on retiendra la qualification d’indemnités
compensatrices.
2- Le
refus de renouvellement sans indemnité d’éviction Ce sont les hypothèses dans lesquelles le bailleur ne sera pas tenu de
payer l’indemnité de l’article 7 ni aucune autre indemnité d’une
part (2-1) ; ce sont d’autre part les cas où une indemnisation du
locataire est envisagée (2-2).
2-1- Ce sont les cas de refus de renouvellement sans que le bailleur
soit tenu de payer aucune indemnité.
2-1-1-La loi les détermine d’une façon limitative le refus de
renouvellement «
pour motif grave et légitime à l’encontre du
locataire sortant ». (art.8 / 1°). Il s’agit de la faute du
locataire. La loi n’en donne aucune illustration, preuve que l’appréciation du
comportement du locataire est abandonnée à l’appréciation des juges (Cass. civ.
n° 4107 du 22/3/1966 B 17. appliquant le décret de 1954). La faute du locataire
peut être relative à l’exécution du bail : défaut de paiement des loyers,
etc.
2-1-2- le refus de
renouvellement à raison de l’état de l’immeuble
est
prévu
par l’article 8/2° de la loi. C’est le cas dans lequel il est établi que l’immeuble doit être totalement ou
partiellement démoli soit en raison de son insalubrité reconnue par l’autorité
administrative, soit parce qu’il ne peut plus être occupé sans danger à raison
de son état.
2-2-
Le refus de renouvellement avec indemnisation du locataire Le bailleur peut refuser ou reporter le renouvellement à charge pour lui
d’indemniser le locataire dans des cas qualifiés par la doctrine de droit de
reprise . Ces cas sont les suivants :
2-2-1- Le
bailleur peut refuser le renouvellement s’il entend
reconstruire l’immeuble.
Dans ce cas, le propriétaire est tenu de payer au locataire et préalablement à
son départ une
indemnité égale à quatre ans de loyers. (art. 9 al. 1
er).
Le locataire a le droit
de rester dans les lieux aux clauses et conditions du contrat jusqu’au
commencement effectif des travaux.
La même indemnité est due dans le cas où le bailleur qui a obtenu un
permis de construire et qui entend entreprendre des travaux de construction
d’un local d’habitation sur les parties non bâties des terrains loués. Cette
indemnité n’est due que si elle a pour effet d’entraîner obligatoirement la
cessation de l’exploitation. (art. 14). Au cas contraire, le locataire n’a ni
droit au renouvellement ni au paiement d’une quelconque indemnité.
2-2-2- Le
bailleur peut
différer pendant une période maximale de trois ans le
renouvellement du bail s’il se propose de
suréleverl’immeuble et que cette surélévation rend nécessaire l’éviction du locataire.
Ce dernier aura droit à une
indemnité égale au préjudice subi sans qu’elle
dépasse l’équivalent de trois ans de loyers. (art. 12)
2-2-3- Le
bailleur peut refuser le renouvellement s’il entend
reprendre les lieux pour
habitation. Le droit de reprise pour habitation est soumis à des conditions
contraignantes. C’est le propriétaire, ses ascendants ou ses ascendants qui
doivent bénéficier de la reprise. Il
faut en outre que le bénéficiaire de la reprise ne dispose pas d’une habitation
correspondant à ses besoins normaux et à ceux des membres de sa famille vivant
habituellement avec lui. Ces besoins doivent correspondre à une utilisation
normale du local objet de la reprise qui doit pouvoir être adapté à un usage
d’habitation par de simples travaux d’aménagement (art.13 al 1
er).
Le bailleur qui a acquis l’immeuble en vertu d’un acte à titre onéreux ne peut
bénéficier du droit de reprise que si son acte date de dix ans avant l’exercice
de son droit et qu’il s’agisse d’un acte ayant date certaine (art. 13 al 2). De
plus ce droit de reprise pour habitation ne peut être exercé si les locaux
loués sont affectés à usage d’hôtel ou de location en meublé. Une fois ces
conditions réalisées, le bailleur doit verser au locataire une indemnité égale
au
loyer payé, pour les locaux objet de la reprise pendant les
cinq
dernières années. Si la durée de la location est moindre l’indemnité est
égale à
cinq fois le loyer de la dernière année.
Le bénéficiaire de la reprise doit occuper les locaux dans les six mois
du départ du locataire et pendant une durée minimale de six ans au cours de
laquelle le local ne peut être affecté à un usage commercial, industriel ou
artisanal. A défaut de respecter ces conditions le locataire aura droit à
l’indemnité d’éviction de l’article 7. (art 13 al 5)
2-2-4- En
cas d’expropriation pour cause d’utilité publique, l’organisme expropriant peut
se soustraire au paiement de l’indemnité d’éviction de l’article 7 en offrant
au locataire un immeuble équivalent situé à l’emplacement de l’ancien ou dans
le voisinage. Le locataire reçoit dans ce cas une indemnité compensatrice de sa
privation temporaire de jouissance et le cas échéant , la moins value de son
fonds. Il est en outre remboursé de ses frais de déménagement et
d’emménagement. (art.17)
2-2-5-
Lorsqu’une personne est en même temps propriétaire de l’immeuble loué et du
fonds de commerce qui y est exploité et que le bail porte en même temps sur
l’immeuble et sur le fonds de commerce,
le locataire gérant n’a pas droit à une indemnité d’éviction en fin de bail
parce qu’il n’a pas de droit au renouvellement. L’article 35 impose cependant
au propriétaire le payement d’une indemnité correspondant au profit qu’il
pourra retirer de la plus value apportée soit au fonds, soit à l’immeuble en raison
des améliorations matérielles faites par le locataire avec l’accord explicite
du locataire. L’indemnisation, dans les ceux cas, n’est pas automatique. Elle
est subordonnée à la preuve par le locataire de cette plus value et à
l’existence de l’accord exprès du propriétaire sur les améliorations
matérielles.
b- Les conséquences du refus de
renouvellement Le refus de renouvellement ouvre la possibilité au locataire de se faire
indemniser suite à une procédure (1) au cours de laquelle la loi fixe les droits
et les obligations des parties (2).
1-
La procédure et la compétence Le locataire peut soit contester les motifs du refus de renouvellement
soit demander le paiement de l’indemnité d’éviction . Il doit pour cela saisir
la juridiction compétente dans les trois mois de la notification du congé ou de
la réponse du le propriétaire.
Le délai de trois mois est un délai de forclusion. L’alinéa 2 de
l’article 27 précise à cet effet que passé ce délai, le locataire est forclos et il est réputé
avoir renoncé au renouvellement ou à l’indemnité d’éviction.
Le tribunal compétentest déterminé par la loi. Il faut préciser la compétence d’attribution avant de
déterminer la compétence territoriale.
S’agissant de la compétence d’attribution, la combinaison des articles
27 et 28 permet d’affirmer que le tribunal compétent est déterminé par
application du droit commun du code de procédure civile et commerciale. En
effet, l’article 28 de la loi de 77 ne reconnaît une compétence exceptionnelle
au président du tribunal de première instance de la situation de l’immeuble que
lorsque le litige porte sur le prix, la durée ou les conditions accessoires ou
l’ensemble de es éléments lorsque le locataire consent au renouvellement. Il en résulte que dans tous les autres cas et
notamment pour des litiges portant sur la discussion des motifs de
renouvellement ou le paiement de l’indemnité d’éviction, la compétence est
déterminée en application des articles 21 et
23 al. 3 du code de procédure
civile et commerciale. En effet si le premier de ces textes prévoit que la
compétence est déterminée par la nature et le montant de la demande, le second
précise que lorsqu’il s’agit d’un bail
non contesté, la valeur de l’objet du litige est déterminée par le montant
annuel du loyer. Par nature de l’affaire on entend déterminer si elle est
personnelle, réelle ou mixte. Les litiges portant sur les baux sont des actions
personnelles.
Dès lors, si le montant annuel des loyers est inférieur ou
égale sept mille dinars, le juge compétent es le tribunal cantonal. Dans tous
les autres cas ce sera le tribunal de première instance. La compétence territoriale sera également décidée en application du
droit commun. Il s’agira soit du tribunal du domicile du défendeur ou celui du
lieu d’exécution du contrat (article 35 CPCC).
2-
Droits et obligations des parties Il s’agit pour le locataire d’être indemnisé (2-1). Mais en cours de
bail il doit continuer de payer les loyers (2-2) . Pour le bailleur , il doit
pouvoir exercer le droit de repentir (2-3)
2-1-
l’indemnisation du locataire Le moment du paiement des indemnité. Le bailleur qui n’entend pas
renouveler ou qui entend reprendre son local a intérêt à payer l’indemnité
correspondante dans les plus brefs délais. En effet, qu’il s’agisse de
l’indemnité d’éviction ou des indemnités compensatrices, le législateur
reconnaît au locataire
un droit de maintien dans les lieux tant que
l’indemnité due n’a pas été payée ou à tout le moins tant qu’une indemnité
provisionnelle n’a pas été payée.
L’indemnité provisionnelle est accordée par le Tribunal de
première instance du lieu de situation de l’immeuble qui sera saisi et statuera
dans les conditions de l’article 28 de la loi. Cette indemnité sera imputée sur
celle qui sera définitivement fixée si celle-ci est supérieure, dans le cas
contraire le locataire remboursera la différence.
2-2-Paiement des loyers : Jusqu’ à paiement du montant intégral de
l’indemnité ou de la provision, le bail est soumis « aux clauses et
conditions du contrat initial », (art. 19) ce qui signifie que le
locataire a l’obligation de continuer de payer les loyers.
A défaut, le
bailleur pourra déclencher la procédure de l’article 23. 2--3- Le droit de repentir du bailleurLe bailleur qui aura été condamné à indemniser le locataire peut exercer
ce que la doctrine appelle le droit de repentir, c’est à dire « se
soustraire au paiement de l’indemnité » (art. 30 al.2) et consentir au
renouvellement du bail dont les conditions seront fixées conformément à
l’article 28 en cas désaccord . Il devra cependant supporter les frais de
l’instance. Mais ce droit ne peut être exercé que sous certaines
conditions : une condition de délai : il ne peut être exercé que dans
les 15 jours à compter soit de la date ou la décision de première instance est
devenue définitive, soit du jour de la décision d’appel. A cette condition
s’ajoute celle relative au fait que le locataire ne doit pas avoir encore
quitté le local ou n’a pas acheté ou loué un autre local.
Sous
section III . Les éléments incorporels autres que la clientèle et le droit au
bail L’essentiel des
éléments incorporels est énuméré par l’article 189 alinéa 3 C.C. (§1).Mais il ne s’agit
pas d’une énumération limitative (§ 2).
§1 -L’article 189 alinéa 3
C.C. cite parmi les biens nécessaires à l’exploitation le
nom commercial, l’enseigne, le droit
au bail, les brevets , marques de
fabrique , dessins et modèles , droits de propriété littéraire et artistique.
A-
Le nom commercial sert à identifier le
commerçant et son entreprise. C’est l’appellation sous laquelle le commerçant,
personne physique ou morale, exerce son activité. Il est possible d’utiliser
indifféremment un nom patronymique, un pseudonyme ou un nom composé. On parle
de
raison sociale pour les sociétés en nom collectif et les sociétés en
commandite et de
dénomination commerciale pour les sociétés anonymes.
Contrairement au droit civil le nom
commercial a une valeur patrimoniale. Il est cessible, même s’il s’agit d’un
nom patronymique, car il sert à rallier la clientèle. Le nom commercial est protégé
par l’action en concurrence déloyale telle que prévue par l’article 92 , 1° du
C.O.C.
B. L’enseigne est le signe extérieur qui sert à individualiser le fonds. Ce peut
être le nom d’une personne, une dénomination de fantaisie ou un emblème
(silhouette d’un animal , armoiries , etc.)
Comme le nom
commercial, l’enseigne fait l’objet d’un
droit de propriété incorporelle en faveur du premier utilisateur et peut, en conséquence, être cédée ou louée
avec le fonds.
Comme le nom
commercial, l’enseigne peut être
défendue en justice par l’action en concurrence déloyale (art.92/2° COC).
C-
Les droits de propriété industrielle et intellectuelle. Ce sont les brevets d’invention , les dessins et
modèles , les marques de fabrique de commerce ou de service, etc. Il
s’agit de biens incorporels qui constituent souvent toute la valeur du fonds.
Ils sont protégés par l’action en concurrence déloyale.
§ 2. La liste de l’article 189 n’est pas
limitative. D’autres éléments peuvent être incorporés au fonds. Il s’agit notamment
des autorisations administratives qui ne sont pas attachées à la personne de
l’exploitant, du bénéfice des clauses de non concurrence, de certains contrats
tels que les contrats de travail, des contrats d’assurance relatifs au fonds de
commerce ( assurance incendie par exemple.)
Section
II- Les éléments corporelsL’article 189 al.1 C.C. dispose que les biens mobiliers affectés à
l’exercice d’une activité commerciale font partie du fonds de commerce. Ces
biens sont le matériel et l’outillage d’une part (§1) et la marchandise d’autre
part (§2).
§1. Le
matériel et l’outillageC’est l’ensemble des biens mobiliers corporels qui servent durablement
à l’exploitation. Ce sont notamment les machines et l’équipement. L’importance
du matériel et de l’outillage varie d’une branche d’activité à l’autre. Dans
l’industrie il joue un rôle plus important que dans le commerce ou les
services.
Le matériel n’est cependant pas toujours la propriété de l’industriel ou du commerçant.
Il est parfois seulement loué ou utilisé en crédit-bail ou acquis sous réserve
de propriété. Dans ce cas il ne fait pas partie du fonds de commerce. C’est la
même solution lorsque le matériel et l’outillage sont la propriété du
commerçant qui exerce son activité dans un local dont il est propriétaire. Ils
sont alors considérés comme des immeubles par destination au sens des articles
9 et 10 du C.D.R. soit à raison de leur affectation à l’exploitation soit à
raison de leur attache à perpétuelle demeure. Ils suivent dans ce cas le régime
des immeubles et ils ne peuvent rentrer dans le gage des créanciers nantis sur
le fonds. Telle est la position actuelle de la Cour de cassation dans son arrêt des Chambres
réunies du 18 mai 1995 (arrêt n° 21626 in , Recueil des arrêts de Chambres
réunies 1994-1995 arrêt n° 12 p.40 et s. ; Revue de science juridique
économique et de gestion de Sousse, n°1 , 1997, p.81, note Iheb Ben Rejeb).
§2. Les
marchandisesCe sont les stocks de matières premières destinées à être transformées,
les produits finis et les biens destinés à la vente. La référence à la notion
de stock évoque le caractère interchangeable, fongible des marchandises. Elles
sont donc instables : lorsqu’elles sont vendues elles se transforment en
créances sur les clients, ces créances deviendront ensuite liquides avant
d’être à nouveau converties en stock. C’est ce qui explique que les
marchandises ne soient pas inclues dans le nantissement du fonds (art.237 C.C.)
C’est aussi ce qui explique l’intérêt de la distinction entre marchandises et
matériel. On considère en effet que la différence est plutôt de destination que
de nature. Un ordinateur est une marchandise si le commerçant se spécialise
dans la vente de matériel informatique. Ce sera en revanche du matériel si tel
n’est pas le cas.
Les marchandises qui se trouvent dans les locaux du commerçant
peuvent parfois ne pas être sa
propriété. C’est le cas des marchandises acquises d’un vendeur qui s’en est
réservé la propriété. Cette situation semble favoriser une impression de
solvabilité apparente qui pourrait tromper les créanciers du commerçant.
CHAPITRE
II LA NATURE
JURIDIQUE DU FONDS DE COMMERCE Vouloir préciser la nature juridique du fonds de commerce c’est tenter de le qualifier par
référence à une catégorie juridique afin d’en déterminer le régime. Dans cet
effort de classification deux thèses se sont opposées (A). Plutôt que de tenter
de trancher pour l’une ou l’autre de ces théories, il convient de mettre
l’accent sur les qualités juridiques du fonds de commerce (B).
Section
I -Les thèses en présenceD’après certains auteurs le fonds de commerce serait une
universalité
de droit. Une universalité de droit est un ensemble de biens formant un
actif et un passif au sein duquel fonctionne la subrogation réelle. Une telle
qualification présente surtout un intérêt pour les entreprises exploitées par
un commerçant individuel. Le fonds de
commerce pourrait, selon cette analyse, être considéré comme
un patrimoine
d’affectation. Il en résulte que le
fonds serait affecté aux créances rattachées à l’exploitation commerciale. On
assisterait alors à un dédoublement du patrimoine du commerçant : un
patrimoine privé qui répondrait des dettes personnelles et familiales du
commerçant et un patrimoine commercial qui répondrait seul de ses dettes professionnelles.
Cependant , au point de vue juridique rien ne s’oppose à ce que le
fonds de commerce soit saisi et vendu en vue d’obtenir le paiement de dettes
non commerciales (art.243 C.C. «
tout créancier »- sans
distinction- qui exerce les poursuites de saisie-exécution peut demander la
vente du fonds de commerce). De même, rien n’empêche la saisie et la vente des
biens destinés à l’usage privé du commerçant afin de réaliser le paiement de
ses dettes professionnelles. Il n’y a donc pas d’autonomie des dettes relatives
au fonds par rapport au patrimoine de l’exploitant. L’explication tient au fait
que notre droit, subissant en la matière l’influence du droit français consacre
le principe de l’unité du patrimoine. La thèse de l’universalité juridique ne
semble donc pas , en l’état actuel du droit positif, être défendable.
Le
recours à l’idée d’universalité de droit n’était pas dépourvu d’assise
textuelle dans notre système. Sous un chapitre
deuxième intitulé «
du transfert d’un ensemble de droits »
du titre IV du C.O.C. réservé au transport des obligations, le législateur
réglementait la cession du fonds de commerce. Le cessionnaire héritait à la
fois des créances et des dettes. Le fonds de commerce était donc considéré
comme un ensemble, comme une universalité. Mais cette universalité était moins
destinée à protéger le cédant par la consécration de l’idée d’affectation qu’à
protéger les créanciers en leur permettant d’exercer conjointement leurs
actions contre le cédant et le cessionnaire ( art.222 C.O.C.). Ce faisant, le
législateur semble avoir subi l'influence des droits allemand et italien. Dans
le premier de ces systèmes, la transmission de la
firma entraîne celle
du passif commercial sauf clause contraire publiée au registre du commerce. En
droit italien, l'article 2560 c. civ. décide que l'acheteur du fonds est tenu
de plein droit des dettes commerciales du vendeur. Ainsi, dans ces deux
législations, comme dans le système du code des obligations et des contrats,
les créanciers du vendeur du fonds de commerce deviennent de plein droit
créanciers de l'acheteur. C'est un système original destiné à protéger les
créanciers du vendeur, différent de celui adopté par la loi française de 1909
dont le code de commerce s'est inspiré.
En
adoptant le système de la loi française de 1909 depuis le décret beylical de
1927, repris d’ailleurs par le code de commerce de 1959, notre législateur a
rompu avec l’esprit du code des obligations et des contrats. La rupture est
nettement affirmée depuis 1927. L’article 37 du décret de 1927 ayant
expressément abrogé les dispositions du code des obligations et des contrats
qui lui sont contraires.
A défaut de pouvoir évoquer pour
le fonds de commerce l’idée d’universalité de droit, certains auteurs préfèrent
parler d’
universalité de fait. Il s’agirait d’un ensemble de
biens homogènes et hétérogènes qui sont traités, par la volonté du
propriétaire, comme un bien unique. Mais alors plutôt que d’une explication ou
une qualification , il s’agit d’une simple description.
Section
II- Les caractères juridiques du fonds de commerceLe constat d’échec de l’idée d’universalité conduit à une sorte de résignation. Il suffit
pour sortir d’impasse de reconnaître au fonds de commerce les caractères de bien meuble et de bien
incorporel.
Tous les biens sont meubles ou immeubles selon l’article 2 du C.D.R. d’où l’obligation d’identifier le
fonds.
Dans
son arrêt du 28 juin 1989 la Cour
de cassation s’exprime sur ce sujet en des termes non équivoques :
les
fonds de commerce sont des meubles ils ne sont pas des immeubles ni par
détermination de la loi ni par destination.
La
Cour de cassation a pu ainsi censurer l’arrêt d’appel qui a
décidé que la promesse de vente de l’immeuble dans lequel le fonds de commerce
litigieux est exploité porte également sur celui-ci du moment qu’elle ne l’a
pas excepté. Le fonds de commerce est donc un bien meuble parce qu’il ne
correspond pas à la qualification d’immeuble. Il est composé de biens mobiliers
et ne comporte jamais de biens immobiliers. Il suit donc le régime des meubles
concernant les successions , les privilèges , etc.
Il s’agit cependant d’un meuble d’une nature particulière en raison de
sa grande stabilité qui s’explique par son exploitation dans un immeuble. Il en
résulte qu’il peut offrir des garanties particulières pour les besoins du
crédit du commerçant. On peut relever à cet effet que le nantissement du fonds
de commerce constitue une sûreté analogue , par sa technique juridique, à
celle qui porte sur les immeubles. C’est ainsi que les articles 250 et suivants
du C.C. organisent une procédure de purge comparable à celle prévue par le code
des droits réels en matière d’hypothèques (art.292 et s. C.D.R.)
C’est un meuble
incorporel malgré la présence de plusieurs éléments corporels tels que le
matériel et les marchandises. Il n’est donc pas susceptible de possession d’où
l’inapplicabilité de la règle de l’article 53
C.D.R (en fait de meubles possession vaut titre).
L’importance de
ce bien du commerçant se manifeste dans les multiples possibilités dont ce
dernier dispose pour en transférer la propriété ou l’utiliser comme moyen de
crédit. C’est ce qui justifie l’étude des opérations dont il peut faire
l’objet.
CHAPITRE
III LES OPERATIONS RELATIVES AU FONDS DE COMMERCELes opérations qui peuvent avoir un fonds de commerce pour objet sont
nombreuses, l’alinéa premier de l’article 190 c. c. en énumère quelques unes.
Il s’agit de la vente - et généralement toute cession quelle qu’en soit la
forme-, de l’attribution du fonds par partage ou licitation et de l’apport en
société. Le code de commerce en régit
les plus importantes à savoir la vente (Section I ) , l’apport en
société ( Section II ), la location (
Section III ), et le nantissement du
fonds de commerce ( Section IV ).
SECTION
I : LA VENTE DU
FONDS DE COMMERCEL’article 190 al. 1er du c. c. dispose : «
Toute
vente amiable, promesse de vente ,
et plus généralement, toute cession de fonds de commerce… toute attribution de
fonds de commerce par partage ou licitation, tout apport en société d’un fonds
de commerce… » .
Ce texte figure sous une section intitulée
« de la vente et de la promesse de vente ». Mais dans le texte
de l’article ci-dessus ainsi que dans ceux qui suivent ce sont d’autres actes
qui sont concernés par cette réglementation. C’est peut-être parce que la vente
est le plus usuel des contrats, même en matière de fonds de commerce, que le
législateur la prend comme figure représentative de toute cession. Sa réglementation complexe tend à
prendre en considération les différents intérêts en présence. La loi prend en
considération d’abord l'intérêt du
vendeur, qui n’est pas toujours payé comptant, en le protégeant contre le
risque d’insolvabilité de l’acquéreur. Elle tient compte, ensuite, de l'intérêt
de l’acquéreur qui risque d’être trompé sur la valeur effective du fonds. Elle
sauvegarde , enfin, l'intérêt des créanciers du vendeur qui risquent d’être
privés d’un élément important de l’actif de leur débiteur. Aussi adopterons nous la même
démarche que le législateur pour examiner les conditions (§1), la publicité
(§2) et les effets de la vente (§3) tout en signalant que ces développements
concernent, pour la plupart, les opérations visées par l’article 190 al.1er
C.C.
§1-Les
conditions de la venteNous examinerons successivement
les conditions de fond (A) et les condition de forme (B).
A- Les
conditions de fond Les conditions de fond (capacité , consentement , objet et cause) sont
généralement celles du droit commun de la vente telles que prévues par le code
des obligations et des contrats. Il convient toutefois de relever les
particularismes relatifs à quelques unes de ces conditions.
Le consentementdoit exister . Il doit être exempt de vices. L’état de la jurisprudence publiée
ne permet pas de relever une spécificité particulière à la vente du fonds de
commerce. Dans d’autres systèmes les juges paraissent plus souples dans
l’appréciation des conditions de l’erreur et du dol. C'est ainsi que l’erreur
sur l’importance de la clientèle cédée et le dol par réticence sont admis comme
motifs de nullité de la vente. A notre sens, il n’y a pas de particularisme des
conditions des vices du consentement. Quant au dol par réticence, l’article 56
COC le consacre quel que soit l’objet de la vente.
La capacité s’apprécie du côté du vendeur et de
l’acheteur.
L’objet est constitué par le fonds et
le prix. La vente doit porter sur le fonds de commerce et, par
conséquent, sur le ou les éléments qui servent à rallier la clientèle. Il
appartient aux parties de déterminer ces éléments, mais elles n’ont aucune
liberté quant à la question de savoir si la clientèle y est ou non comprise
étant donné la formulation non équivoque de l’article 189 C.C. ce qui consolide le
pouvoir de requalification des tribunaux. Concernant les autres éléments, les
patries recouvrent leur liberté. En cas de silence la vente est censée porter
sur les éléments incorporels. Par ailleurs, le fonds cédé doit être licite. On
ne peut valablement céder par exemple un débit de boissons ou une maison de jeu
non autorisés. On retrouve ici les règles du droit commun sur le caractère
licite de l’objet.
Le prix doit répondre aux conditions de
l’article 579 C.O.C.
à savoir être déterminé ou au moins déterminable. Il ne doit pas dépendre d’une
détermination unilatérale de l’une des parties. Il ne doit pas être soumis à la détermination d’un tiers à
moins que cette détermination ait précédé l’accord des parties. Il doit être
réel et sérieux. La loi accorde aux créanciers du vendeur une action qui permet
de les protéger contre les prix insuffisants ou simulés. C’est ainsi que les
créanciers inscrits et les créanciers opposants peuvent faire la surenchère du
sixième lorsqu’ils estiment que le prix de la vente est insuffisant pour les
désintéresser.( art.194 C.C.)
La dissimulation du prix peut
nuire au fisc. Mais cette hypothèse ne semble pas particulièrement inquiétante
dans la mesure où la vente du fonds de commerce est soumise au tarif des droits
proportionnels et progressifs d’enregistrement de 2,5°/° (art.20 c.d.e.t.).
Dans ce cas le droit d’enregistrement est dû sur le prix de vente de la
clientèle , de l’achalandage, de la cession du droit au bail et des objets
mobiliers ou autres servant à l’exploitation du fonds de commerce (art.28
c.d.e.t.). Il n’est cependant pas exclu que les parties procèdent à une
dissimulation. Mais le fisc n’est pas désarmé. Bien que le droit de préemption
du fisc ait été supprimé, l’administration peut, en cas d’insuffisance du prix,
requérir une expertise pour tous les actes constatant le transfert de propriété
de fonds de commerce ( art. 111 c.d.e.t). L’insuffisance ainsi prouvée permet
ensuite à l’administration de redresser le prix de la vente.
Dans toutes les ventes sont indiqués à côté du prix global les prix des
éléments incorporels des marchandises et du matériel. Ce fractionnement
(ventilation) est utile pour la détermination de l’assiette du privilège du
vendeur (art.205 al.3 c.c ; art. 207 /3°) et pour le jeu de la surenchère.
Enfin
la cause de la cession doit être licite c’est-à-dire
conforme aux bonnes mœurs à l’ordre public et à la loi. Aucun particularisme
n’est à relever par rapport aux autres contrats.
B- Les
conditions de forme Les actes de
vente de fonds de commerce sont soumis un formalisme qui se manifeste dans
l’exigence d’un écrit(a) et dans les mentions que cet écrit doit comporter,
c’est à dire les mentions obligatoires (b).
[1] Cass civ 6957 du 16-12-82 B IV 199.